16 avril 2024 |
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La tyrannie du développement personnel

La quête de sens est une préoccupation cruciale pour les êtres humains, et vraisemblablement ce qui nous différencie d’autres espèces animales.

Dans une société en pleine mouvance dont l’adaptabilité et la résilience sont les (nouveaux) maîtres-mots et où le dernier socle de la pyramide de Maslow est bien présent, le besoin de réalisation de soi se fait d’autant plus sentir, en raison selon nous de la perte des repères dits traditionnels. Le développement personnel offre une palette de moyens aussi divers que variés pour répondre présent.

Bien que l’intention du développement personnel soit positive, elle comporte néanmoins certaines conséquences qui peuvent s’avérer néfastes. En effet, la recherche constante de perfection, la pression de la performance peuvent à mon sens créer une pression contre-productive et provoquer un « mode par défaut » de surveillance permanente de ses propres comportements. Le risque est ainsi de se mettre dans une sorte d’asservissement volontaire à l’optimisation continuelle de soi, d’où peuvent découler des sentiments de culpabilité permanente, un syndrome d’imposture, de dévalorisation de soi et de fatigue constante. Rien que l’expression « faire un travail sur soi » implique de l’effort et du dur labeur.

Prenons un pas de recul : par définition, le développement personnel est une démarche individuelle et centrée sur soi. Or, nous sommes des mammifères sociaux et le contact avec nos pairs et notre environnement nous est nécessaire. Le risque d’un égocentrisme démesuré est alors présent, sans parler de la responsabilisation excessive des individus, qui dans leur noble quête de soi peuvent finalement tomber dans un isolement dangereux dans un pays où la solitude devient un réel problème sociétal (personnes âgées, situations précaires, familles monoparentales, maladies, etc.), selon les chiffres de l’OFS. Ne négligeons pas l’importance du soutien communautaire et des liens sociaux dans notre bien-être, ce dernier étant justement un thème beaucoup exploré dans les démarches de développement personnel. Comme nous disait le philosophe Paul Ricoeur, « le plus court chemin de soi à soi passe par autrui », et nous n’allons pas pouvoir nous économiser cet effort-là.

En conclusion, loin de moi l’envie de critiquer ou de décourager toute initiative personnelle dans ce sens, mais je trouve important de rappeler qu’en cas de réelle détresse psychologique, ce sont les spécialistes et les professionnels disposant des compétences nécessaires qui vont pouvoir soutenir ces personnes car on ne s’improvise pas thérapeute ou coach pour traiter des thématiques sérieuses.

Mon opinion personnelle est que les plus grands leaders et meilleurs managers sont précisément ces personnes qui savent faire preuve d’introspection, de remise en question et de capacité d’adaptation mais qui savent aussi passer à l’action. En effet, « apprendre sur soi » et « progresser » sont des processus sans fin. Il est donc primordial de définir des objectifs concrets et mesurables dans le temps, ce qui implique de savoir s’arrêter afin d’éviter de se noyer dans des réflexions interminables. Le développement personnel oui, mais pas tout le temps, ni toute la vie… Remettons le à sa juste place, de temps à autre, pour prendre du recul sur nos expériences dans le grand jeu qu’est la vie.

Autrice : Olivia Capua

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