12 janvier 2023 |
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Apprendre : dans le bonheur ou dans la douleur ?

La capacité à intégrer des enseignements ainsi qu’à revisiter notre compréhension du monde en fonction de ceux-ci est plus que jamais nécessaire dans nos contextes de vie volatils. L’apprentissage est ainsi un enjeu de société touchant aussi bien les jeunes en formation que les adultes, tous stades de carrière confondus. Le marché du travail nécessite en effet l’acquisition d’aptitudes spécifiques, et surtout, de continuer à se former tout au long de sa vie afin de répondre à l’évolution constante des besoins. Dès lors, nous pouvons nous demander : quelle est la meilleure stratégie pour intégrer des enseignements et ancrer nos expériences durablement ?

Les techniques d’apprentissage positif, axées sur la motivation et le plaisir, prônent qu’il faut être dans de bonnes dispositions pour apprendre efficacement. Une philosophie que partageait déjà le célèbre autodidacte Walt Disney, selon lequel « le rire n’est pas un ennemi de l’apprentissage ». Mais si l’on réfléchit à sa propre carrière, il y a probablement eu des obstacles ou des échecs dont on se serait bien passé sur le moment et qui, rétrospectivement, ont été riches d’enseignements. Alfred de Musset exprime ainsi cette idée dans « La nuit d’octobre » (1837): « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert ». Qu’en est-il alors de ces deux visions opposées, et laquelle faut-il privilégier ?

En termes de fonctionnement neurologique, notre ressenti a un effet direct sur le façonnement de notre cerveau. Plus précisément, les connexions neuronales qui se créent lors d’un apprentissage sont directement influencées par nos marqueurs émotionnels. Ainsi, un vécu très négatif tel qu’une forte angoisse va diminuer notre capacité à la fois à accéder à des savoirs connus ainsi qu’à en mémoriser de nouveaux. À l’inverse, un sentiment très positif tel que le plaisir de découvrir et d’accéder à une compréhension par soi-même favorise ces processus. D’un autre côté, il est également vrai qu’un niveau de stress optimum permet les meilleures performances cognitives. De plus, nos expériences négatives peuvent nous en dire long sur notre manière de réguler nos émotions ainsi que nous permettre d’anticiper la gestion de situations similaires dans le futur. Par conséquent, elles sont elles-mêmes de précieuses opportunités d’apprendre à mobiliser nos ressources plus efficacement dans l’adversité.

Ainsi, entre bonheur et douleur, il appartiendrait à chacun de trouver sa propre recette pour apprendre efficacement en tenant compte de son fonctionnement et de ses ressources. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une affaire individuelle : toute entreprise a également la responsabilité de favoriser le développement de ses talents et l’apprentissage collectif. Dans tous les cas, apprendre nécessite d’évoluer et de (se) remettre en question, voire de déstabiliser un équilibre pour qu’il intègre de nouvelles données, que cela procure plaisir ou tourment.

Auteur: Marielisa Jaeger-Auteri

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